Le RSA constitue-t-il une réponse à la pauvreté ?

Publié le par Marc-Olivier Caffier

La France (5ème puissance mondiale) comptait entre 4,3 et 7,8 millions de personnes pauvres en 2008 (soit plus de 10% de sa population), selon la définition de la pauvreté utilisée (seuil à 50 % ou à 60 % du niveau de vie médian). Le taux de pauvreté va de 7,1 à 13,2 %.

Les niveaux de vie des personnes démunies ne sont pas comparables à ceux que l’on rencontre dans les pays les plus pauvres. En 2008, le seuil de pauvreté pour une personne seule etait de 791 euros mensuels au seuil à 50 % du niveau de vie médian, et de 949 euros mensuels pour le seuil à 60 %. Il n’empêche que des millions d’enfants, d’hommes et de femmes vivent en marge des normes de la société. Ils n’aspirent pas seulement à manger, mais aussi à avoir un logement décent, à étudier ou à travailler, à se soigner... comme les autres.

Depuis le milieu des années 2000, les taux sont restés stables (rappelons qu’il existe une incertitude de + ou - 0,5 point) mais le nombre de personnes pauvres est reparti à la hausse : + 500 000 entre 2002 et 2008 selon le seuil à 50 %. Il ne s’agit pas d’une "explosion", mais le mouvement est d’autant plus inquiétant que la progression du chômage depuis la mi-2008 risque d’aggraver les choses.

Face à cette situation, Martin Hirsch a proposé (imposé ?) le revenu de solidarité active (RSA).

L'une des principales nouveautés du dispositif était de procurer un complément de revenus à des travailleurs pauvres - non concernés auparavant par le revenu minimum d'insertion (RMI). La cible affichée était de deux millions de personnes, 90% de ces "nouveaux" allocataires devant être couverts dès la fin 2009, soit six mois après le lancement du dispositif. Aujourd'hui encore, on en est très loin : en septembre 2010, seules 650 000 personnes en activité percevaient un complément de revenu au titre du RSA. Un chiffre qui tend à plafonner depuis les six derniers mois. 150 000 à 200 000 d'entre eux auraient de toute façon été prises en charge par l'ancien dispositif d'intéressement lié au RMI. Parmi les 2 millions de "nouveaux" allocataires annoncés, seul un quart s'est donc réellement vu ouvrir des droits au RSA "activité". Une proportion dont la modestie ne peut être imputée à la crise financière !

Le même genre de décalage risque fort de se renouveler avec le RSA "jeunes". Déjà profondément vidé de sa substance du fait des conditions imposées pour y accéder (il faut avoir travaillé deux ans à temps plein dans les trois dernières années), ce dispositif ne touche aujourd'hui que quelques milliers de jeunes, bien loin de l'annonce gouvernementale de 160 000 personnes potentiellement concernées.

La mise en œuvre du RSA engendre aussi certaines difficultés pour les allocataires. Selon une enquête réalisée par la Fédération nationale des associations d'accueil et de réinsertion sociale (Fnars) auprès des travailleurs sociaux, 35% d'entre eux signalent que des allocataires du RSA ont perdu certains droits connexes par rapport au RMI (notamment la CMU complémentaire et la majoration de l'aide personnelle au logement). Plus de la moitié évoque des difficultés d'accompagnement pour les allocataires.

Pour ces raisons le RSA semble bien mal parti pour remplir le rôle que lui avait assigné le gouvernement.

Hors, le RSA devrait être le moyen pour de nombreux « exclus » de bénéficier d’un suivi personnalisé, d’un accompagnement à la recherche d’emploi et idéalement de la possibilité de reprendre une formation. Les limites liées à l’obtention du RSA exclus les plus fragiles du dispositif.

Le problème de la pauvreté (ou de l’extrême pauvreté) résulte de la difficulté à s’intégrer dans notre société et à bénéficier des attributs indispensables à une reconnaissance sociale : un logement décent, un travail valorisé et le sentiment d’utilité sociale.

Sur ce point le RSA manque probablement d’ambition car l’accompagnement devrait pour être efficace être plus dense, intégrer le problème du logement, de la formation voire de la possibilité de reprendre un cycle « long ». Mais le choix des moyens à affecter est un choix de société :

Aujourd’hui le RSA est financé par les départements et par l’état :

1. Les départements prennent en charge le RSA « de base »

Les dépenses à la charge du département correspondent au RSA « de base », qui comble l'écart entre les revenus professionnels des allocataires et le niveau du revenu minium garanti. Le coût brut global du RSA « de base » à la charge des départements devrait s'élever, en année pleine, à « environ 6,5 milliards d'euros » ; correspondant peu ou prou aux sommes déjà consacrées par eux au RMI, l'ensemble des dépenses nouvelles induites par la mise en place du RSA devrait être compensé par l'Etat.

2. L'Etat, à travers le FNSA, prend en charge le RSA « chapeau »

Un « fonds national des solidarités actives finance la différence entre le total des sommes versées au titre de l'allocation de revenu de solidarité active par les organismes chargés de son service et la somme des contributions de chacun des départements ». Ce fonds national des solidarités actives, ou FNSA, prend donc en charge le financement du RSA « chapeau », qui correspond à l'ensemble du dispositif RSA moins le RSA « de base », pris en charge par les départements. Le champ des allocataires bénéficiant du RSA « chapeau » sera égal à l'ensemble des allocataires du RSA qui ont des revenus professionnels.

Les recettes du FNSA proviendront de contributions additionnelles aux prélèvements sociaux mentionnés aux articles L. 245-14 et L. 245-15 du code de la sécurité sociale. En outre l'Etat assure l'équilibre du fonds national des solidarités actives en dépenses et en recettes ». Il en résulte que, outre la taxe additionnelle aux prélèvements sociaux qui sera détaillée ci-après, les dépenses du RSA « chapeau » seront financées par l'Etat, sans contribution des collectivités territoriales. Selon le Haut commissariat aux solidarités actives contre la pauvreté, le montant des dépenses financées par le FNSA s'élèvera en année pleine à 3,25 milliards d'euros.

Le coût brut total du dispositif RSA est donc évalué à 9,75 milliards d'euros en année pleine, pour environ 1,7 millions de foyer ce qui représente environ 3,72 millions de personnes couvertes (les allocataires plus 330.000 conjoints et 1,62 million d'enfants ou autres personnes à charge) ce qui représente un « coût annuel moyen » par personne de 2.620 €  (218 € /mois)!

A titre de comparaison en 2011, les recettes fiscales nettes de l’État devraient s’élever à 254,4 milliards d’euros.

Peut-on dès lors prétendre que l’effort consenti est à la hauteur de l’enjeu ? Combien de vies, meurtries, sans avenir, sans projets ? Et quel gâchis pour une société qui laisse sur le bord de la route tant de ses concitoyens, parmi lesquels combien de Georges Charpak, de Pierre-Gilles de Gennes, d’Albert Fert, de Claude Cohen-Tannoudji, de Roger Guillemin, de Françoise Barré-Sinoussi, de Luc Montagnier ???

Publié dans SOCIETE

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